« Tu vois, quand ton esprit formule un souhait avec passion, le miroir que nous appelons réalité le fait apparaître devant toi.
Sa peau, intensément parfumée, provoqua en moi une sorte de folie. Je la laissai me prendre par la main, me trainer jusqu'à la rue et arrêter un taxi. Pendant le trajet, elle m'embrassa avec passion ; arrivée dans la suite de son hôtel elle se dévêtit à la hâte, se mit à genoux en me tournant le dos, inclina la tête jusqu'à toucher le sol et, m'interdisant de me déshabiller, comme ça, avec mon costume en cuir, mon chapeau et mes bottes, elle me demanda de la pénétrer.
Avec la démence de l'excitation accrue par l'intense humidité de son vagin, j'entrai dans son intimité en donnant un rude coup de hanches. J'allais commencer mes vas-et-vient lorsqu'un puissant "Stop !" me paralysa. "Ne bouge pas. Je veux que tu sois l'axe de ma passion." Avec une surprenante agilité, cherchant des appuis précis sur mon corps, elle se retourna de façon à se retrouver face à moi, ses cuisses serrant ma taille, ses pieds croisés dans mon dos et son front appuyé au mien. Dans cette nouvelle position, je voulus enfin me frotter dans son éden, mais de nouveau elle s'exclama "Stop !" avec une telle autorité que je me vis contraint d'obéir.
Une minute s'écoula, plus longue qu'une heure. Mon pubis tremblais, voulant reculer pour revenir à la charge. Dans cette torturante immobilité commença soudain un clignotement de parois aqueuse qui acquit peu à peu de la vitesse. Son vagin tout entier, pressant de façon vertigineuse, devint un gant trépidant. Au milieu de cette tempête musculaire je n'eus plus besoin de bouger. En quelque seconde ma semence l'inonda. Lorsque, après trois éjaculation consécutives, je lui dis que je n'avais jamais connu une femme aussi habile, elle me confia : "j'ai eu un maitre important. Je veux que tu saches que je suis la fille de Gurdjieff (philosophe occultiste russe, qui fonda en 1922, à fontainebleau, un centre expérimental pour l'étude de la conscience : l'institut pour le développement harmonique de l'homme). En 1924, le maitre à visiter New York avec son groupe de disciples,pour y présenter des danses initiatiques. Ma mère, qui venait alors d'avoir treize ans, lui portait la nourriture qu'il commandait au restaurant russe. Il l'à séduite et lui a appris les techniques vaginales que j'emploie à présent.
Gurdjieff disait que, par paresse, la plupart des femmes ont un "athanor" mort. Dès l'enfance on leur apprend que le phallus est puissant, actif, vital, et qu'elles, elles ont entre les jambes une corbeille semblable à un marécage, sans autre possibilité d'action que celle d'être remplie par le semeur de spermatozoïdes. On prend pour acquis que le vagin est un organe passif. Mais il y a un monde de différence entre cette nature passive et un sexe délibérément entrainé. Gurdjieff a appris à ma mère à éveiller et faire croitre son âme en développant un vagin vivant.
Reyna décida de me faire une démonstration. Elle écarta les jambes, contracta les lèvres de sa vulve et, avec un "psitt", se mit à aspirer l'air. Puis elle l'éjecta sous forme d'un puissant soufflement. "Phase numéro un : apprendre à aspirer et éjecter, comme si le vagin était un poumon. Quand on domine ça, on peut propulser des choses au loin ..."
Elle aligna quatre olives et, le périnée frôlant le sol, elles les avala une à une, puis couché sur le dos, les projeta en les faisant rebondir sur le plafond. Elle alluma plusieurs bougies et les éteignit d'un seul souffle. Elle s'introduisit un bout de ficelle et au bout d'un moment le déposa dans ma main pourvu d'un noeud. "Mon vagin parvient à réaliser tous les mouvements que fait la langue. Plus encore, je peux à volonté augmenter ou diminuer la sécrétion lubrifiante." Elle se concentra et fit un effort. Je vis surgir à la base de ses lèvres internes un ovale de petits jets transparents qui inondèrent ses cuisses. Enfin, assise comme un reine, les genoux très écartés, après une longue absorption d'air elle l'expulsa pour produire un bruit musical, mi-métallique mi-organique, qui me rappela le chant des baleines... Mes cheveux se hérissèrent : la légende des sirènes de l'Odyssée attirant les marins de leurs voix pour les faire naufrager était fondé sur quelque chose de réel ! Fasciné par ce chant, j'appuyai ma tête sur ses genoux et me mis à gémir comme un enfant regrettant un paradis perdu.
D'une voix très douce, elle dit: "Dans l'antiquité la plus reculée, pour faire dormir les petits, les femmes chantaient les berceuses avec leur vulves. Quand elles oublièrent cette capacité, leurs enfants cessèrent de se sentir aimés. Une angoisse inconsciente se fixa à l'âme des êtres humains... Le pleurs qui te brisent expriment la douleur d'avoir eu une mère au sexe muet. Nous allons résoudre cela."
Elle me déshabilla avec des gestes délicats mais précis, me fit allonger sur le lit et commença par m'embrasser la plante des pieds pour continuer ensuite sur tout le corps : des baisers innombrables, profonds, donnés de toute son âme, patiemment, sur chaque centimètre carré de mon organisme. Des pieds à la tête, pendant deux heures, sans oublier le moindre pli, elle m'accorda cette ineffable caresse en murmurant chaque fois : "Tu es aimé."
Bien des femmes m'avaient embrassé, dans le cou, sur la bouche, le sexe, les mains, mais aucune sur la totalité de ma peau. Je me rendis... Lorsqu'elle termina, me donnant un dernier baiser au bout du nez, je soupirai avec un bonheur mêlé d'une profonde tristesse : "Tu m'as fait connaitre le nirvâna... Mais j'aurais préféré qu'au lieu de "Tu es aimé" tu me dises : "Je t'aime"...
Ses yeux bleus brillèrent d'un implacable dédain. "Au fur et à mesure que je multipliais mes baisers, je t'ai vu reculer dans le temps. De trente ans tu es descendu à vingt, à quinze, à dix, à cinq ans, et soudain tu as eu six mois. Un bébé émerveillé de trouver une mère universelle. C'est ce que tu ressens en ce moment. Dois-je, moi, en te disant : "Je t'aime", accepter ce rôle indigne ? Que désires-tu ? En sollicitant mon amour tu me dis en vérité : "Comme je n'ai pas eu la tendresse d'une mère je suis confus, perdu dans la vie. Le seul refuge émotionnel que j'ai, c'est toi. Voilà pourquoi je m'accroche à toi. Sois autoritaire, dirige-moi, possède-moi, amarre-moi, nourris mon âme, ne m'abandonne jamais, satisfais sans cesse mes désirs, divertis-moi quand je m'ennuie, prépare-moi des plats délicieux, oublie-toi toi-même, admire-moi plus que personne. Deviens mon public. "Tu te trompes toi-même en te disant que je suis une projection de cette femme intérieur que tu appelles âme, mais en aucun cas tu n'acceptes de me voir comme le portrait de ta mère. Quand tu dis : "Je t'aime", lequel de tes multiples moi évoques-tu ? Le moi mental, le moi émotionnel, le moi sensuel, le moi moral, le moi culturel ? Quel est le moi profond qui ne dépend ni de l'age, ni du sexe, ni de la nationalité, ni des croyances ? Quand tu te définis, quelle est la partie de toi-même qui te définit ? Peux-tu dire, sans te diviser en deux : "Je suis celui que je suis" ? Te rends-tu compte que tu n'es pas un organisme individuel ? Te rends-tu compte que ce corps que tu crois tien est tous les hommes, ceux qui existent, ceux qui ont existé et existeront, et que je suis toutes les femmes depuis le commencement de la création jusqu'à sa fin ?
Ton moi essentiel est le cosmos qui se manifeste à travers toi. Si tu entres en contact avec moi, c'est pour t'unir à la totalité du temps à travers notre infime présent... Lorsque tu veux, en me possédant, t'ancrer dans l'avoir, tu te fourvoies. L'amour dépasse les désirs de possession. Lorsque tu demandes "Je t'aime" eu lieu de "Tu es aimé", tu ne te rends pas compte que si tu es en ce monde, si tu es né dans un corps de chair et d'os qui engendre une conscience, c'est que la force mystérieuse qui, instant après instant, crée l'univers t'aime. Tu obéis à un destin divin. A tout moment, maintenant, cellule par cellule, atome par atome, tu es aimé, toi, tel que tu es, avec ta forme particulière, avec ton style, avec tes limites, avec ton aura non reproductible. L'univers a soif de cette conscience que produira ton organisme, conscience dont on te remet une graine que tu dois faire fructifier pour ne pas disparaitre sans laisser de trace dans le temps... Mon saint père disait : "Celui qui ne se crée pas une âme vit comme un porc et meurt comme un chien." On t'a appris à penser que tu n'étais personne, qu'aucun dieu intérieur n'habitait au cente de ton obscure psychisme. Tes géniteurs, cherchant en toi une incarnation de leurs projets égoïstes, ne t'ont pas vu et, ne te voyant pas, ne te connaissant pas, t'interdisant d'être ce que tu es pour être ce qu'ils voulaient, ils ne t'ont pas aimé. C'est pourquoi tu te fabrique des imbroglios émotionnels avec des femmes qui jamais ne pourront t'aimer comme tu le voudrais. Un perpétuel état de demande. Ton "Je t'aime" veut dire : "Mauvaise maman, tu ne m'aimes pas. Je cherche en vain ton regard : si tu ne me vois pas, je ne peux me voir, et je suis obligé d'être tel que tu t'imagines. Si tu ne me dis pas qui je suis en réalité, je ne suis pas. Je reste un enfant : je ne suis pas devenu un adulte parce que, pour pouvoir le faire, il fallait que tu me vois tel que je suis. Chose impossible : pour cela, il aurait fallu que tu te vois tel que tu étais, ce qui ne t'es pas arrivé parce que tes parents, mes grands-parents, ne t'ont pas vue. De peur que tu m'abandonnes, avant que tu ne le fasses, c'est moi qui t'éloignerai de moi..."
Nous nous mettons toujours en colère pour autre chose que ce que nous croyons. Tu penses que je t'ai offensé, mais en réalité, parce qu'en quelques heures tu es reçu de moi ce qu'elle ne t'a pas donné dans toute sa vie, la haine que tu accumulais contre ta mère est remontée à la surface. Tu réagis comme un barbare psychologique. Sans soupçonner que l'amour entre un homme et une femme est l'expression de la névrose de deux arbres généalogiques, tu aspires à une relation aussi simple que celle des animaux. Comprends : le seul couple possible n'est pas une symbiose, mais la collaboration de deux conscience libres ! Cesse de quémander ! Je ne suis pas ta solution, encore moins ta béquille ! Nous nous sommes rencontrés pour partager le sublime plaisir d'une existence qui n'est ni tienne ni mienne. Un texte alchimique dit : "D'une substance on en ait deux, et de ces deux dernières on en fait une qui ne ressemble en rien à la première." Nous allons établir un contact d'âme à âme afin que cette énergie androgyne se répande dans l'éternel et infini présent. c'est merveilleux de rencontrer quelqu'un qui ait notre niveau de conscience ! Chose qui ne m'arrive pas avec toi. Ton intellect est semblable à un cheval sauvage, tu ne l'as jamais dompté. Il fait ce qu'il veut, s'impose à toi, te dirige, agit guidé par les idées folles que les ancêtres ont implantées en lui depuis le berceau. Au lieu d'être esclave de ses désirs, tu dois lui apprendre à obéir, le développer, en faire une machine sans limites...
Vous les barbares psychologiques, il vous parait naturel de passer des heures à perfectionner un sport, mais à aucun moment il ne vous vient à l'idée d'entrainer votre esprit. »
(extrait "Mu, le maitre et les magiciennes" Alexandro Jodorowsky )