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Aux Muses etc.

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27 octobre 2012

Chansonnette

Pendant que mon empreinte le berce

sous d'autres corps, sous d'autres cieux

je nous ravaude d'une pièce

l'étoffe lourde d'un adieu

 

La ritournelle, en doigts de fée,

sur sa peau douce accroche à peine

pose des lèvres sur ses veines

goûte à son chant un peu défait.

 

 

Pendant que son empreinte me berce

dans la nuit où je solitude

je nous écris d'un seul geste

l'amour impossible à l'étude

 

Un vieux poème, des rimes rêveuses

rôdent, l'enveloppent et déposent

leurs mains violentes et vaporeuses

sur sa bouche, ses rousseurs de rose.

 

 

Pendant que nos empreintes divaguent

l'amour en creux qui les distord

je ne veux que planter ma dague

au lit défait du mauvais sort

 

La ritournelle aux doigts de fée

aurait pu nous rendre pareils

aux statues qui, jadis vermeilles,

se sont figées dans un baiser.

 

 

Mais si mon corps a pris la pose

d'abriter le ciel de tes reins

pour que de nos creux naissent une rose

qui rit aux éclats chaque matin

 

C'est que la ritournelle aux yeux de fée

a cru bon de bien attacher

nos coeurs vaillants, nos âmes écloses

au Rire merveilleux des Années.

 

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27 janvier 2012

oui ?

Au ciel devant la main 

une quête éphémère et un stylet, 

pour qu'en lutte à peine le sang ne perle.

 

Le souffle court, parce qu'à bout,

haut le coeur sur la balançoire, retenu.

 

Puis, ses bras 

jusqu'à moi qui se tendent,

enfin.

6 janvier 2012

The sun in my mouth (e.e. cummings)

i will wade out till my thighs are steeped in burning flowers

I will take the sun in my mouth and leap into the ripe air

Alive with closed eyes to dash against darkness in the sleeping curves of my body

I shall enter fingers of smooth mastery with chasteness of sea-girls

Will i complete the mystery of my flesh

(I will rise

After a thousand years lipping flowers

And set my teeth in the silver of the moon)

12 décembre 2011

Thalia

Son rire de petit animal, sa douceur quand elle tète et carresse mes cheveux, pose sa petite main sur mon nez, mes joues, cherche une sensation dans mon cou (une mèche, un grain de beauté ?), son câlin du matin quand, encore endormie, elle gratte de ses petits griffes mon cuir chevelu. Ses grands regards quand elle me montre un objet, une découverte et me la tend pour me la donner, ou juste me la faire saisir. Ses babillages, mots de fée, langue d'elfe, sylllabes douces ou rauques, chants de nerfs ou mélopée, petite bouche en "hou" qui dit la surprise, rire franc qui fond sous les chatouilles. Ses cavalcades à 4 pattes à toute vitesse pour me retrouver à l'autre bout de la pièce, ses petits bras qui se tendent pour que je l'envole et qui à peine accrochés veulent redescendre ou se penchent vers ce que'ils ne peuvent saisir d'habitude d'en bas. Ses longs cils comme des ajoncs au bord d'un lac, son petit coeur qui bat depuis deux fois 9 mois. Ma petite fille...

 

 

30 novembre 2011

Rêve de Dragon

Il s'agirait de savoir de quoi on parle, de qui on se cache, de quand ça nous échappe. j'ai pas à dire, j'ai rien à soumettre, j'ai des mots comme des fuseaux pour détisser ce qui se trame. je t'aime, ça raconte ça d'abord, je t'aime. l'autre dit "tu es aimé" c'est mieux, c'est plus détaché, c'est universel, c'est dépassionné. je suis d'accord. Mais je suis là, avec ma chair et mes os, ma candeur perdue et mes rêves, et j'ai un peu mal. 

c'est comme le vent, les saisons, la vie, la mort, ça passera. ça ne demande qu'à passer la main, une autre main, un autre temps, marre de m'accrocher à celui-là.

Mais il résiste ce rêve, il résiste à tout même à la mort aux rats, même à l'acide de la logique, la chaux du regard des autres, le rance des journées. c'est un vrai rêve, il sent le ciel. Il parle de spirale inconnue, il parle de ce que mon ADN capte de son ADN, il parle de ce qui en est né. il raconte une histoire qui n'est même pas commencée. Il raconte le test de nos volontés, parce que ce qu'on veux vraiment, faut le sentir jusque dans nos tripes... voilà, faut que ça brûle bien et tenir bon alors là on saute, on y va, on décolle, on y croit. C'est un rêve d'amour qui est grand parce qu'il rime avec ce qui est libre en moi. 

mon amour c'est un dragon dans le ciel, indompté, il y a même laissé ses griffes comme on déchirerait un papier. 

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16 novembre 2011

Mu, le Maître et les magiciennes par Alejandro Jodorowski

« Tu vois, quand ton esprit formule un souhait avec passion, le miroir que nous appelons réalité le fait apparaître devant toi.

Sa peau, intensément parfumée, provoqua en moi une sorte de folie. Je la laissai me prendre par la main, me trainer jusqu'à la rue et arrêter un taxi. Pendant le trajet, elle m'embrassa avec passion ; arrivée dans la suite de son hôtel elle se dévêtit à la hâte, se mit à genoux en me tournant le dos, inclina la tête jusqu'à toucher le sol et, m'interdisant de me déshabiller, comme ça, avec mon costume en cuir, mon chapeau et mes bottes, elle me demanda de la pénétrer.

 

Avec la démence de l'excitation accrue par l'intense humidité de son vagin, j'entrai dans son intimité en donnant un rude coup de hanches. J'allais commencer mes vas-et-vient lorsqu'un puissant "Stop !" me paralysa. "Ne bouge pas. Je veux que tu sois l'axe de ma passion." Avec une surprenante agilité, cherchant des appuis précis sur mon corps, elle se retourna de façon à se retrouver face à moi, ses cuisses serrant ma taille, ses pieds croisés dans mon dos et son front appuyé au mien. Dans cette nouvelle position, je voulus enfin me frotter dans son éden, mais de nouveau elle s'exclama "Stop !" avec une telle autorité que je me vis contraint d'obéir.

 

Une minute s'écoula, plus longue qu'une heure. Mon pubis tremblais, voulant reculer pour revenir à la charge. Dans cette torturante immobilité commença soudain un clignotement de parois aqueuse qui acquit peu à peu de la vitesse. Son vagin tout entier, pressant de façon vertigineuse, devint un gant trépidant. Au milieu de cette tempête musculaire je n'eus plus besoin de bouger. En quelque seconde ma semence l'inonda. Lorsque, après trois éjaculation consécutives, je lui dis que je n'avais jamais connu une femme aussi habile, elle me confia : "j'ai eu un maitre important. Je veux que tu saches que je suis la fille de Gurdjieff (philosophe occultiste russe, qui fonda en 1922, à fontainebleau, un centre expérimental pour l'étude de la conscience : l'institut pour le développement harmonique de l'homme). En 1924, le maitre à visiter New York avec son groupe de disciples,pour y présenter des danses initiatiques. Ma mère, qui venait alors d'avoir treize ans, lui portait la nourriture qu'il commandait au restaurant russe. Il l'à séduite et lui a appris les techniques vaginales que j'emploie à présent.

 

Gurdjieff disait que, par paresse, la plupart des femmes ont un "athanor" mort. Dès l'enfance on leur apprend que le phallus est puissant, actif, vital, et qu'elles, elles ont entre les jambes une corbeille semblable à un marécage, sans autre possibilité d'action que celle d'être remplie par le semeur de spermatozoïdes. On prend pour acquis que le vagin est un organe passif. Mais il y a un monde de différence entre cette nature passive et un sexe délibérément entrainé. Gurdjieff a appris à ma mère à éveiller et faire croitre son âme en développant un vagin vivant.

 

Reyna décida de me faire une démonstration. Elle écarta les jambes, contracta les lèvres de sa vulve et, avec un "psitt", se mit à aspirer l'air. Puis elle l'éjecta sous forme d'un puissant soufflement. "Phase numéro un : apprendre à aspirer et éjecter, comme si le vagin était un poumon. Quand on domine ça, on peut propulser des choses au loin ..."

 

Elle aligna quatre olives et, le périnée frôlant le sol, elles les avala une à une, puis couché sur le dos, les projeta en les faisant rebondir sur le plafond. Elle alluma plusieurs bougies et les éteignit d'un seul souffle. Elle s'introduisit un bout de ficelle et au bout d'un moment le déposa dans ma main pourvu d'un noeud. "Mon vagin parvient à réaliser tous les mouvements que fait la langue. Plus encore, je peux à volonté augmenter ou diminuer la sécrétion lubrifiante." Elle se concentra et fit un effort. Je vis surgir à la base de ses lèvres internes un ovale de petits jets transparents qui inondèrent ses cuisses. Enfin, assise comme un reine, les genoux très écartés, après une longue absorption d'air elle l'expulsa pour produire un bruit musical, mi-métallique mi-organique, qui me rappela le chant des baleines... Mes cheveux se hérissèrent : la légende des sirènes de l'Odyssée attirant les marins de leurs voix pour les faire naufrager était fondé sur quelque chose de réel ! Fasciné par ce chant, j'appuyai ma tête sur ses genoux et me mis à gémir comme un enfant regrettant un paradis perdu.

 

D'une voix très douce, elle dit: "Dans l'antiquité la plus reculée, pour faire dormir les petits, les femmes chantaient les berceuses avec leur vulves. Quand elles oublièrent cette capacité, leurs enfants cessèrent de se sentir aimés. Une angoisse inconsciente se fixa à l'âme des êtres humains... Le pleurs qui te brisent expriment la douleur d'avoir eu une mère au sexe muet. Nous allons résoudre cela."

Elle me déshabilla avec des gestes délicats mais précis, me fit allonger sur le lit et commença par m'embrasser la plante des pieds pour continuer ensuite sur tout le corps : des baisers innombrables, profonds, donnés de toute son âme, patiemment, sur chaque centimètre carré de mon organisme. Des pieds à la tête, pendant deux heures, sans oublier le moindre pli, elle m'accorda cette ineffable caresse en murmurant chaque fois : "Tu es aimé."

Bien des femmes m'avaient embrassé, dans le cou, sur la bouche, le sexe, les mains, mais aucune sur la totalité de ma peau. Je me rendis... Lorsqu'elle termina, me donnant un dernier baiser au bout du nez, je soupirai avec un bonheur mêlé d'une profonde tristesse : "Tu m'as fait connaitre le nirvâna... Mais j'aurais préféré qu'au lieu de "Tu es aimé" tu me dises : "Je t'aime"...

 

Ses yeux bleus brillèrent d'un implacable dédain. "Au fur et à mesure que je multipliais mes baisers, je t'ai vu reculer dans le temps. De trente ans tu es descendu à vingt, à quinze, à dix, à cinq ans, et soudain tu as eu six mois. Un bébé émerveillé de trouver une mère universelle. C'est ce que tu ressens en ce moment. Dois-je, moi, en te disant : "Je t'aime", accepter ce rôle indigne ? Que désires-tu ? En sollicitant mon amour tu me dis en vérité : "Comme je n'ai pas eu la tendresse d'une mère je suis confus, perdu dans la vie. Le seul refuge émotionnel que j'ai, c'est toi. Voilà pourquoi je m'accroche à toi. Sois autoritaire, dirige-moi, possède-moi, amarre-moi, nourris mon âme, ne m'abandonne jamais, satisfais sans cesse mes désirs, divertis-moi quand je m'ennuie, prépare-moi des plats délicieux, oublie-toi toi-même, admire-moi plus que personne. Deviens mon public. "Tu te trompes toi-même en te disant que je suis une projection de cette femme intérieur que tu appelles âme, mais en aucun cas tu n'acceptes de me voir comme le portrait de ta mère. Quand tu dis : "Je t'aime", lequel de tes multiples moi évoques-tu ? Le moi mental, le moi émotionnel, le moi sensuel, le moi moral, le moi culturel ? Quel est le moi profond qui ne dépend ni de l'age, ni du sexe, ni de la nationalité, ni des croyances ? Quand tu te définis, quelle est la partie de toi-même qui te définit ? Peux-tu dire, sans te diviser en deux : "Je suis celui que je suis" ? Te rends-tu compte que tu n'es pas un organisme individuel ? Te rends-tu compte que ce corps que tu crois tien est tous les hommes, ceux qui existent, ceux qui ont existé et existeront, et que je suis toutes les femmes depuis le commencement de la création jusqu'à sa fin ?

 

Ton moi essentiel est le cosmos qui se manifeste à travers toi. Si tu entres en contact avec moi, c'est pour t'unir à la totalité du temps à travers notre infime présent... Lorsque tu veux, en me possédant, t'ancrer dans l'avoir, tu te fourvoies. L'amour dépasse les désirs de possession. Lorsque tu demandes "Je t'aime" eu lieu de "Tu es aimé", tu ne te rends pas compte que si tu es en ce monde, si tu es né dans un corps de chair et d'os qui engendre une conscience, c'est que la force mystérieuse qui, instant après instant, crée l'univers t'aime. Tu obéis à un destin divin. A tout moment, maintenant, cellule par cellule, atome par atome, tu es aimé, toi, tel que tu es, avec ta forme particulière, avec ton style, avec tes limites, avec ton aura non reproductible. L'univers a soif de cette conscience que produira ton organisme, conscience dont on te remet une graine que tu dois faire fructifier pour ne pas disparaitre sans laisser de trace dans le temps... Mon saint père disait : "Celui qui ne se crée pas une âme vit comme un porc et meurt comme un chien." On t'a appris à penser que tu n'étais personne, qu'aucun dieu intérieur n'habitait au cente de ton obscure psychisme. Tes géniteurs, cherchant en toi une incarnation de leurs projets égoïstes, ne t'ont pas vu et, ne te voyant pas, ne te connaissant pas, t'interdisant d'être ce que tu es pour être ce qu'ils voulaient, ils ne t'ont pas aimé. C'est pourquoi tu te fabrique des imbroglios émotionnels avec des femmes qui jamais ne pourront t'aimer comme tu le voudrais. Un perpétuel état de demande. Ton "Je t'aime" veut dire : "Mauvaise maman, tu ne m'aimes pas. Je cherche en vain ton regard : si tu ne me vois pas, je ne peux me voir, et je suis obligé d'être tel que tu t'imagines. Si tu ne me dis pas qui je suis en réalité, je ne suis pas. Je reste un enfant : je ne suis pas devenu un adulte parce que, pour pouvoir le faire, il fallait que tu me vois tel que je suis. Chose impossible : pour cela, il aurait fallu que tu te vois tel que tu étais, ce qui ne t'es pas arrivé parce que tes parents, mes grands-parents, ne t'ont pas vue. De peur que tu m'abandonnes, avant que tu ne le fasses, c'est moi qui t'éloignerai de moi..."

 

Nous nous mettons toujours en colère pour autre chose que ce que nous croyons. Tu penses que je t'ai offensé, mais en réalité, parce qu'en quelques heures tu es reçu de moi ce qu'elle ne t'a pas donné dans toute sa vie, la haine que tu accumulais contre ta mère est remontée à la surface. Tu réagis comme un barbare psychologique. Sans soupçonner que l'amour entre un homme et une femme est l'expression de la névrose de deux arbres généalogiques, tu aspires à une relation aussi simple que celle des animaux. Comprends : le seul couple possible n'est pas une symbiose, mais la collaboration de deux conscience libres ! Cesse de quémander ! Je ne suis pas ta solution, encore moins ta béquille ! Nous nous sommes rencontrés pour partager le sublime plaisir d'une existence qui n'est ni tienne ni mienne. Un texte alchimique dit : "D'une substance on en ait deux, et de ces deux dernières on en fait une qui ne ressemble en rien à la première." Nous allons établir un contact d'âme à âme afin que cette énergie androgyne se répande dans l'éternel et infini présent. c'est merveilleux de rencontrer quelqu'un qui ait notre niveau de conscience ! Chose qui ne m'arrive pas avec toi. Ton intellect est semblable à un cheval sauvage, tu ne l'as jamais dompté. Il fait ce qu'il veut, s'impose à toi, te dirige, agit guidé par les idées folles que les ancêtres ont implantées en lui depuis le berceau. Au lieu d'être esclave de ses désirs, tu dois lui apprendre à obéir, le développer, en faire une machine sans limites...

Vous les barbares psychologiques, il vous parait naturel de passer des heures à perfectionner un sport, mais à aucun moment il ne vous vient à l'idée d'entrainer votre esprit. »

 

(extrait "Mu, le maitre et les magiciennes" Alexandro Jodorowsky )

 

13 novembre 2011

L'eau tonne

C'est cela, une eau qui tonne, un orage qui verdoie son Colisée de larmes à ras d'herbes, violente la rondeur et les couleurs trop franches de l'été.

Ça sent de plus en plus le vermillon, ça bleuit de colchiques en montagne... ça me donne envie quoi.

 

Parce que cette eau qui tonne c'est la continuité de mon bras, de mon cœur né en été; c'est l'accompli du repli et de ce qui pourtant à l'infini se nuance, se déhanche, se désosse de couleurs, de rythmes, de souffles. Entendez-la dans le Vent particulier. Elle lève la bourrasque et la tourmente jusqu'à la rendre aquatique: le danger, l'impertinence, l'impromptu, la surprise que ça promet ! Parce qu'elle nous prend, saisit, réveille, malmène dans ce que nous n'avions eu de cesse d'alanguir, de rêver, d'évaporer sous la chaleur.

 

Et j'aime être dans cet éclat, tortueux de violets sombres et de rouges orangés, ravagée de salamandres occultes, en caracole de sons, de langues mordorées à rousseur de vignes, de fruits qui jutent de leurs derniers jus, gonflés de sève et de sucre, coulant dans la gorge l'ultime orgasme du Printemps.

 

L'automne gronde dans les noirs cumulus amoncelés en grappes, et longtemps, me vendange…

11 novembre 2011

Conte à rebours

 

I. Départ

J’avais repris la route, une petite fille s’était logée en moi au dernier arrêt. Je l’attendais.

Elle faisait sa vie de fœtus encore mais j’avais senti qu’il était temps de repartir. Un voyage différent, parce que je n’allais pas partir physiquement : j’allais seulement opérer une déconnexion nécessaire à l’évolution mais c’était comme « partir ».

Un vrai départ, plus vrai peut-être que les autres malgré la même nécessité de regarder la route vierge devant moi à nouveau.

Elle allait, elle filait, comme le font ces routes en plein désert américain. Et j’avais avec moi une musique pour cela, le mélange est-ouest d’une guitare électrique à la Ry Cooder aux accents indou auxquels s’ajoutait cette petite percussion qui battait le temps du cœur, du soleil à ma tempe, de la nécessaire épreuve des kms.

Nous étions un 12 décembre. 12/12. Parfait.

J’éteignais mon portable mais sans l’éteindre, je faisais nuit sur le jour mais sans fermer les yeux, je courais vite mais sans bouger, et dans le silence parfait, j’entendais mon cri.

 

II. What you need to walk

 

Tout en faisant mes premiers pas, je faisais l’inventaire de ce que j’avais acquis et de ce qu’il est nécessaire de mettre dans sa poche pour ne pas tomber, mourir de faim ou de froid, et pour ne pas se perdre :

Mes acquisitions naturelles :

-          La volonté (le vent)

-          La quête de soi et du monde (la terre double où je marche)

-          La sensibilité (l’eau)

Mais manque le feu parce qu’il a souvent été colère, acharnement et qu’il doit apprendre à brûler de joie et de laisser-être.

Ce que je mets dans ma poche :

-          La spontanéité pour les rencontres

-          Le rêve pour passer les portes

-          Le langage des animaux pour discuter des signes

-          Du miel et du chocolat à partager pour l’amour

 

Mais je ne peux pas aller bien loin sans la joie.

Sans elle, la volonté, la quête et la sensibilité s’épuisent, cherchent en vain dans le paysage ce qui pourra les huiler, les dorloter, les nourrir. La joie, c’est le cœur.

Et le cœur est tout autant la route que l’horizon…

 

 III. Le Cœur

 

Il me semble que je l’ai trouvé. Il est à l’origine de ce petit bout de femme que je porte. C’est parce que je l’ai écouté et  entendu qu’un fruit va bientôt en naître. Il a fallu donc que je retourne voir ce qui avait été à l’origine de ce fruit.

Non pas une envie d’enfant, ni un besoin de me nourrir de ce qui me manquerait …

Une rencontre.

Le cœur se rappelle qu’il bat quand il fait une rencontre, quand il désire partager ce dont il est fait.

Il avait su que c’était une rencontre particulière.

Comment ? Ça ne s’explique pas. Ça se sait.

 

Que s’était-il donc passé entre le moment où il avait été si sûr et maintenant ?

Je l’avais perdu dans ce que les autres pensent, disent, racontent. J’avais trop écouté la rumeur du monde qui ne reconnaît que ce qui lui ressemble. Et mes doutes avaient fait litière. Ils avaient contaminé tout autour. La Peur s’était installée. J’ai cru alors ce que la Peur disait et m’étais convaincue que le sol devait se dérober sous moi, le vent ne plus me porter, l’eau ne plus me rafraîchir, ni l’amour me toucher.

Pourtant, aujourd’hui je me souviens et mon cœur avec moi que c’était une histoire d’amour  qui était à l’origine de tout.

Et quand on regarde l’univers se mouvoir et évoluer le long de sa spirale, il ne s’agit que de cela : des rencontres incroyables aussi folles que dans les rêves…  ce qu’on appelle  « réel » n’étant d’ailleurs que l’un d’entre eux.

J’avais retrouvé mon cœur. Et je le sentais qui palpitait à nouveau, tout rouge et plein de cette rencontre. Quand je l’ai retrouvé, il sentait encore le sel, les pins maritimes et la mer. Solitaire il errait dans les hauteurs. Il avait continué à s’émerveiller des couleurs du ciel, des gens qui passent ; il avait discuté philosophie et théorie du mouvement avec les gabians et les bourrasques ; il s’était gardé comme un trésor jusqu’à ce que je grimpe la colline et l’aperçoive, là, tout vibrant, à la porte du cabanon où il avait battu plus fort ou dans les branches des pins où je l’avais emmené prier.

 

Quelle joie ! Quel feu ! Et cet amour ! il débordait et pendant deux jours plein je l’ai senti se détendre et s’éprendre à nouveau dans mon corps.

Il ne faut jamais nier qui l’on aime par peur du vide.  Pour la simple et belle raison que l’amour seul peut tirer le monde du néant.

11 novembre 2011

Jigaï

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L’image l’avait interpellée. Parmi tous les rebondissements de cette légendaire saga et en dépit de la description si minutieuse faite par l’auteur de l’acharnement étonnant des 47 samouraïs à venger leur maître, étalant leur plan d’action sur deux années entières pour mieux s’assurer de sa réussite, c’était l’image de cette femme s’apprêtant à commettre son jigaï qui avait retenu toute son attention. Associée aux dernières pages du récit, cette estampe de Kuniyoshi, l’avait littéralement happée.

Peut-être était-ce la façon dont elle tenait son kaiken, dont la pointe qui devait bientôt trancher la veine jugulaire était encore cachée par sa manche, ou bien son regard cherchant l’inspiration, s’adressant une dernière fois au ciel ou au kami posté dans l’arbuste, ou encore sa bouche close et sévère et ses genoux qu’elle avait pris soin de nouer pour ne pas, dans l’agonie, faillir à la posture digne que toute femme de samouraï se devait de conserver jusque dans la mort… à moins que ce ne fut la beauté de son kimono déjà endeuillé, à la ceinture épaisse et noire qui lui faisait comme une voile et où le rouge du col, de la manche droite et du tissu sur lequel elle s’était installée disaient le sang et la fleur, déjà la résumaient.

Cette femme n’a pas de nom retenu par l’histoire, on sait simplement qu’elle était l’épouse de Onodera Junaï, un des 47 samouraïs qui vengèrent la mort de leur maître Asano Naganori, lequel avait été condamné pour avoir osé s’opposer à Kira Yoshinaka, maitre de cérémonie du Shogun à Edo. Kira Yoshinaka tué, les 47 samouraïs furent à leur tour condamnés à mort. Leurs femmes devaient les suivre, en pratiquant le jigaï. Il en allait de l’honneur de la famille et du code en vigueur.

Et alors qu’on est finalement si souvent indifférent aux morts des tragédies qu’on nous raconte, ne nous y absorbant seulement quelques instants que pour mieux nous repaître de cette vie qui bat encore à nos tempes, la vision de cette femme se donnant la mort ne la quittait plus. Chaque jour qui passait la lui rendait un peu plus tangible et elle percevait chaque fois quelques détails supplémentaires qui donnaient progressivement au tableau original l’allure bientôt spectaculaire d’une fresque.

Elle aurait aimé avoir les talents de Kuniyoshi pour peindre les scènes précédant celle-ci. A la manière des tapisseries de la Dame à la Licorne dont elle ne se lassait pas d’observer les détails, cherchant à en élucider les mystères chaque dimanche pluvieux que Paris lui offrait, elle aurait voulu peindre quatre autres estampes qui auraient porté et caché tout à la fois, avec la même subtilité, l’explication de ce geste ou plutôt ce qui l’y avait conduit comme autant de moments initiatiques qui font de telle heure, l’heure unique où la vie prend tout son sens.

Elle s’était amusée cependant à les décrire dans son carnet, parfois même à en esquisser quelques courbes au crayon, s’appropriant ainsi peu à peu la destinée de cette femme, et finalement la remplaçant :

« La première l’aurait vue au moment de la toilette, le kimono blanc légèrement entrouvert  sur le cou, visible dans le petit miroir qu’elle tient et où se reflète aussi son menton et sa lèvre inférieure qu’elle s’apprête à rougir. Nous tournant le dos, sa silhouette se perd entièrement dans les plis du tissu lourd qui pourtant semble flotter légèrement au-dessus du sol.

La seconde, au moment du thé, de trois quart, à genou devant sa table d’un vert clair, tenant la tasse d’une main ferme. Son regard déterminé pourtant perdu dans le blanc du papier, elle semble presque nous voir. Elle porte un kimono rouge dont le col et les manches sont bordées de blanc. La ceinture blanche elle aussi cintre sa taille et se perd dans son dos en lignes raides.

La troisième, elle se tient sous un cerisier en fleurs dont les pétales tombent au sol et sur ses épaules. Elle porte déjà le kimono rayé de noir et blanc de l’estampe. Ses mains sont jointes sous les larges manches. Elle regarde vers la gauche un oiseau noir qui picore. Une branche du cerisier l’effleure.

La quatrième, pourrait aussi bien être la dernière : on y retrouve l’écharpe de l’estampe dénouée sur le sol, elle est agenouillée de face, les yeux grands ouverts et presque souriants, les bras le long du corps, le buste légèrement porté vers l’avant, la bordure du col de son kimono est d’un rouge très/trop vif. »

 

Chaque fois qu’elle faisait défiler l’histoire de ce jigaï, elle se sentait paradoxalement plus débordante de vie : ses yeux et sa bouche devenus humides, elle attrapait nerveusement son carnet dans son sac pour s’absorber ensuite dans la relecture de ses notes, la main dans le cou, cherchant fiévreusement son pouls. Ce n’était pas tant les raisons nobles et chevaleresques qui présidaient à cet acte qui la transportaient d’abord, bien que le fait qu’une femme de rang dut affronter la mort comme un homme, à l’époque où en occident elles minaudaient dans les salons, lui plaisaient assez, mais c’était plutôt sa valeur rituelle : elle y voyait, comme on peut le lire dans ses dernières pages, « l’aboutissement artistique » d’une fascination pour la vie, toute entière contenue dans « le sang dont la couleur et le rythme de propagation dans le corps se mesurait là, dans la veine jugulaire », celle que le kaiken trancherait net. Elle pensait qu’il n’y avait pas meilleure façon d’honorer la vie que de la congédier ainsi.

De fait, elle se mit à penser à sa propre mort, et sans jamais avoir été pourtant suicidaire ou même neurasthénique, fit l’inventaire des possibilités qui s’offraient à elle :

« La mort la plus probable est la maladie et la décrépitude dans un hôpital, un hospice ou une maison de retraite selon l’état de mon portefeuille et celui d’avancement de mon cancer ou de mon Alzheimer.

La seconde est l’accident : soit radical et presque magique à force de soudaineté, mais frustrant quant à la liste exhaustive des choses qui me seraient restées à faire, soit handicapant et rejoignant la possibilité numéro 1.

La troisième est le suicide à l’occidentale : quittée par un mari piqué par le démon de midi, harcelée par mon patron et décérébrée par l’ambiance de travail, ou les trois à la fois, je sauterais par la fenêtre et finirait en bouillie sur l’asphalte, sous le regard médusé et hagard des badauds, à moins que je n’opte pour le tube de lexomyl et finisse bavant dans ma robe de chambre râpée.

La quatrième, à supposer que je me passionne tout à coup pour les grizzlis, est de finir dévorée au fin fond d’une jungle. Là encore, le corps, puisque c’est bien de lui dont il s’agit, se voit passer de vie à trépas d’une bien terrible façon. »

Elle finit par conclure que, la mort faisant partie de la vie, elle ne voyait pas de façon plus honorable d’y entrer que de l’orchestrer avec toute l’attention et la minutie qui doivent présider à la réalisation d’une œuvre d’art. Et cette œuvre, selon elle, n’avait qu’un seul titre : « jigaï ».

Elle fit donc une liste de ce qu’elle avait encore à faire dans cette vie et se mit en devoir de l’honorer point par point. Bien sûr, elle pouvait tomber gravement malade ou mourir dans un stupide accident avant d’avoir pu aller au bout, mais elle songea alors à nouveau aux 47 samouraï qui mirent au point un plan diabolique pour parvenir à leur fin, prenant en cela le risque que leur cible n’échappe au destin qu’ils lui réservaient, par la maladie ou la mort accidentelle, et celui encore plus grand de ne pas avoir tenté d’honorer la mémoire de leur maître plus tôt ainsi que le recommande le bushido… Elle se dit qu’il fallait prendre un tel risque si l’on avait foi en l’objectif que l’on s’était donné. Et elle avait foi en cette vie, comme en cette mort qu’elle désirait ardemment à la même hauteur.

 

Lorsque je l’ai rencontrée, elle en était à la moitié de sa liste et, fascinée par la mission qu’elle s’était donnée, aussi par la qualité indubitable dont elle avait su imprégner chacun de ses actes, je décidais de l’accompagner jusqu’au bout.

 Il lui fallut deux années pour accomplir l’ensemble de ce qu’elle s’était promis de faire.

A la veille de son jigaï, elle rayonnait littéralement, une joie presque surnaturelle irradiait son corps que ces deux années au service de la Vie avait rendu ferme et presque athlétique. Sa main que je pris dans la mienne au soir du rituel ne tremblait pas, sa bouche qu’elle avait fardé de rouge en seul hommage à l’estampe qui l’avait inspirée, n’était pas sévère, ni close, mais entrouverte et d’une terrible sensualité, laissant au souffle un passage royal et grenat, que j’embrassais.

Jamais je n’avais, et jamais je n’ai recroisé, un regard d’une telle intensité, animé d’une telle vie, lorsque, tranchant la veine, elle me remercia d’un sourire.

 

11 novembre 2011

S'éveille

SEveille 

image : Erwan Denis, Plaisirs de myope

 « Je ne m’étais pas figurée que ça pouvait commencer comme ça. J’avais pourtant senti le vent tourner, un ensemble de circonstances qui ne devaient rien au hasard (puis qu’on sait maintenant qu’il n’existe pas) m’avaient en quelque sorte avertie de l’irrémédiable changement qui s’augurait.

D’abord le vol de mon auto, puis  la perte de tous mes écrits. Et peu de temps avant, la décision de me défaire d’un maximum de choses matérielles, comme si mon inflexion intérieure avait rencontré (provoqué ? induit ?) la radicalité d’événements extérieurs, lesquels m’enjoignaient à me défaire de vraiment tout, tout ce que 35 ans de vie peuvent avoir capitalisé dans ce monde-ci, bon an mal an, entre les exigences sociales et les contournements, solutions mentales, puis créatives, créatrices de ce qui me « correspondait », moi l’être de sexe féminin, de race blanche, française et intellectuellement valide.

Une heure bien particulière et forcément lucide, avait fait émerger la conscience de cette nouveauté. Vous me direz que ce pouvait aussi bien être la continuité d’un cheminement, se déployant au fil du temps et m’amenant à cette évidence, et ce pouvait être vrai si l’on ne considérait que le mouvement interne de ma psyché qui cherche depuis toujours la résolution, la compréhension, presque pour elles-mêmes. Mais enfin rien, absolument rien ne le laissait supposer dans ce que je laissais apparaître de mon être durant toutes ces années.

C’était donc « devenu » en moi ou plutôt il était advenu au monde en moi quelque chose qui devait mourir à cette carapace, si épaisse qu’on pouvait y lire, à la manière d’une géologue, les différentes strates de vitrification autant que l’histoire labyrinthique et dense de ce qui m’avait amené là.

Là, à Paris, au petit jour se noyant dans sa fange, derrière ses cathédrales et ses doutes.

Paris, à peine connue, à peine touchée quand tant d’autres y étaient « montés », puis restés, peut-être parce qu’elle porte en elle quelque chose d’une bête et d’une femme, ou peut-être d’un roman et d’un croque mitaine triste. Moi, elle m’avait toujours fait l’effet d’une musique et une seule : le Requiem de Mozart, sentencieuse et pourtant au bord de l’innocence… comme au bord d’un vide, qui vous oblige à voler ou vous garde cancrelat.

J’ai aimé n’y être que de passage et y revenir à l’occasion, comme un amant expert ne délaisse que pour mieux attacher. Elle avait fait sa Merteuil, j’avais fait mon Valmont et oui, c’était peut-être bien logique qu’on se retrouve pour l’ultime danse.

Non, je ne m’étais pas figurée que ça pouvait se terminer comme ça, une envie de meurtre dans le soleil qui pointait à peine et qui faisait de cette vie la cible, de cette ville l’œil jauni.

Je suis montée au point de mire de tous les monuments, j’ai fait cercle autour de ce qui motivait ma folie, et au zénith de ce soleil qui ne voulait décidément pas m’aveugler, j’ai compris. J’ai compris ce que Mozart a sans doute compris au seuil de la mort, ce que la Merteuil a compris au grand soir de sa défaite, ce que le vent comprend des êtres et des choses qu’il contourne ou traverse, ce que pour sûr l’eau de la Seine reflète de poisse verdâtre sous les statues  éternelles et muettes…  ce que le feu enfin, d’une seule balle perçant l’air jusqu’au cœur, laisse entendre. » 


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